Les choses qui arrivent doivent arriver. Les accidents, les meurtres, les rencontres. Chaque actions, chaque choses qui se passent dans ce monde ne sont pas des coïncidences. Chaque personnes qui doivent se rencontrer un jour ou l’autre sont reliées par un fil.
« Selon une ancienne légende chinoise, chaque personne qui doit se rencontrer est reliée par le fil rouge du destin. Ce fil peut s’é tendre, s’enrouler, mais ne se cassera jamais. »

Je suis assis sur mon lit. On m’a assigné à quelqu’un.  Pourquoi ? A-t-on peur que je fasse des bêtises ? Alors, on me connaît mal. Peut-être qu’on assigne à chaque premier sortcelier un « maître ». Peut-être que j’aurais dû devenir un loup de meute, ou un loup solitaire. Mais le destin nous amène là où il le faut. Si je suis devenu Premier sortcelier, c’est que je devais le devenir. Si j’ai eu un « maître », c’est que j’étais lié à cette personne et que je devais la rencontrer.

J’ai un rendez-vous avec cette personne. Enfin, je dois aller la voir. Je ne sais pas trop à quoi ça sert tout ça. On ne peut pas simplement être libre ? Aller là où le destin nous amène ? Rencontrer les personnes qui nous sont liées ?
J’attrape mon cahier dont je ne peux me séparer, sors de ma chambre, et marche les bras le long du corps, perdu dans une sorte de deuxième monde. Chez les terriens, on pourrait me définir comme un « autiste ». Je ne connais pas réellement ce mot, et de toute façon ça n’a aucune importance.
Je prends des couloirs, des portes au hasard. Comme si je pouvais voir le fil rouge qui me liait à cette personne, et que je pouvais voir où elle était.
Puis, je m’arrête soudainement devant une porte, et pivote doucement vers le côté. C’est là. Je ne sais pas comment je le sais, ni pourquoi mais je sais que c’est là. Je pousse la porte, et me fige presque sur place. Devant moi se tient une vampyre. Ils…Ils m’ont vraiment assigné à un Vampyr ? Ils n’ont vraiment pas conscience de ce qu’ils font. Je me retiens de tourner le dos à la personne et de m’en aller. Je n’aime pas spécialement la magie, je ne sais même pas pourquoi j’ai choisi d’être premier sortcelier. Mais ce que je déteste par-dessus tout, ce sont les vampyrs. Ils sont le fruit de plusieurs de mes cauchemars, et ils ont juste gâché ma vie. Mais mon visage reste impassible. Est-ce vraiment la bonne personne ? Ne me serais-je pas trompé ? Pourtant, je vois bien le fil rouge du destin. Il est bien là. Je me résigne donc, et fais quelques pas pour m’avancer.
« Tu es en retard. » Avait-elle dit d’un ton claquant dès que j’avais posé un pied dans cette salle. Les accros au temps, ça m’énerve. Si le destin m’a conduit cinq minutes en retard, c’est parce qu’il le fallait, point. « Calen Meer', que ta magie illumine. » salua-t-elle. Mais je ne lui donnai aucune réponse, et fixai un point invisible dans la salle. Je serre mon cahier contre moi, mon seul souvenir qui arrive à me faire tenir le coup, et à faire en sorte que je ne devienne pas fou.
Quelques minutes s’écoulèrent, pendant lesquelles je savourai le silence divin. Puis, elle commença un grand récit.

« Je suis le mage Rubissandre Dragosh. Et lui, c'est Stell'en, mon familier. » Elle désigna quelque chose du menton que je ne pris pas la peine de regarder. « A partir d'aujourd'hui et jusqu'à la fin de ton enseignement de sortcelier, tu devras m'appeler "Maître Dragosh". Tu te devras d'obéir à mes ordres, de suivre mon exemple, et d'exécuter les tâches que je te confierais. Je ne serais ni tendre, ni bonne. Mon but n'est pas de me faire aimer de toi, mais de te faire progresser. Ne perd jamais à l'esprit que même les plus talentueux sortceliers ont dus apprendre, et apprendre sans obéissance ni écoute n'est pas possible. »

L’appeler maître n’était pas dans mes intentions. Pas plus que lui dire un mot, comme avec chaque personne que je rencontre ?

« Je te manderais par le biais de ton accréditation. Qu'importe tes excuses, à partir de maintenant, je n'accepterais aucun retard. Quels que soient les obstacles qui se mettent au travers de ton chemin, tu dois apprendre à les contourner ou les abattre pour continuer à avancer -et arriver à l'heure. »
Je sentis son regard se planter dans mes yeux, mais ignorai le geste en fixant mon point invisible.
« Parcourir le Château Vivant sera un entraînement parfait. Je ne serais certainement pas plus tendre avec toi qu'avec les autres parce que tu es mon Premier Sortcelier ou que tu viens d'arriver. Au contraire, je serais encore plus exigeante à ton égard : mon Premier se doit d'exceller. De plus, tu dois comprendre que je suis maintenant responsable de toi et de tous tes agissements. Ce que tu fais de mal ou de bien aura forcément d'immenses répercussions sur ma réputation, aussi ne tolérerais-je aucune infraction au règlement du palais. Et je pèse mes mots : tu seras toujours puni à la hauteur de tes fautes, alors prudence jeune Premier. »
Si elle essayait de me faire peur, elle devait revoir ses manières. Je ne m’intéressais pas du tout à ce qu’elle me disait, et encore moins à elle. Je voyais le fil qui nous reliait, mais je n’arrivais pas à l’accepter. Je ne voulais plus être lié à un vampyr…
La nommée Rubissandre, j’avais au moins retenu ça, repris son souffle et continua.
« Nous avons encore de nombreux points à aborder, mais tes camarades se chargeront de t'informer de tout ce qui est administratif. Si tu as des questions à me poser, c'est le moment; car sache que je suis fréquemment en déplacement et que même lorsque je suis à Travia je n'aurais pas forcément de temps à consacrer à tes interrogations. Le temps est précieux et ne se gaspille pas. »
Et elle recula. Je ne sais pas ce qu’elle attend de moi. Elle a l’air d’avoir fini de parler. Peut-être attends-t-elle que je réponde ? Dans ce cas, elle peut attendre longtemps. Très longtemps même.
Mon regard se pose une dizaine de seconde sur elle, plus haineux que n’importe quel regard. Passé ces dix secondes, je m’assois par terre et sort de ma poche un fil rouge et joue un peu avec, le mélangeant entre mes doigts pour faire des formes. Des formes triangulaires, qui représentent un quelconque signe d’une quelconque société d’Autremonde.
Soudain, je le range et ouvre mon cahier déjà bien rempli où je commence à écrire frénétiquement le nombre « 53 » plusieurs fois de suite. Je remplis la page et continue jusqu’à ce que a double page soit remplie, et je bouche les blancs par le signe de l’infini, un huit couché. Au centre de la double page, j’écris « 5542 » en gros.
Je pose mon cahier et perd de nouveau mon regard dans la salle sur un nouveau point immobile.
Si elle voulait que je parle, c’est fait. J’ai parlé à ma manière. Sauf que je n’ai pas parlé de moi.
Mais d’elle.