Stupide. Idiot. Grotesque. Inutile. Absurde. Cylas ne manquait pas d'adjectifs pour décrire les sentiments qu'il éprouvait à l'égard de cette fête à laquelle tout AutreMonde s'était si soudainement attachée. Remplaçant la timidité des nés-autremondiens aux temps de l'annonce de la nouvelle, la niaiserie, l'euphorie et autres enfantillages avaient rapidement pris place, s'insinuant progressivement dans la population comme un étrange poison qui donnerait à tous le sourire. L'idée d'offrir mais, surtout, de recevoir des dizaines de cadeaux avait contenté une bonne partie de la population qui s'était sur-le-champs mêlée à la course pour la préparation des festivités. Ce devait bien être la première fois que noël allait être autant célébré sur la planète des sortceliers.

Ce qui dérangeait par dessus tout Cylas n'était pas la fête en elle même. En soit, il aurait pour le moins apprécié l'idée de recevoir des présents des quelques amis qu'il avait, notamment dans la guilde, et de pouvoir partager quelques verres avec eux. Non, ce qui perturbait le jeune elfe, c'était la source même de ces célébrations. Car il savait ou, du moins, il pensait, que l'envie de fêter une date importante pour les nonsos n'avait pas pu pousser comme une fleur dans l'esprit de l'Empire d'Omois. Aëlys ne s'était certainement pas éveillée un matin avec la folle envie de distribuer des cadeaux à toute sa famille. Surtout pas alors que son époux venait de subir un enlèvement par les ennemis de plusieurs planètes réunies. Et il pensait aussi que tous ceux qui jugeaient la raison simpliste : « bon nombre de nonsos viennent d'arriver sur AutreMonde, c'est un moyen de les aider ! » se trompaient. Lui, il voyait plutôt cela comme une simple couverture, comme un baume apaisant que l'on appliquait sur une blessure encore saillante. Le mal sévissait encore, mais on tentait de leur montrer que tout était sous contrôle. Que même en temps de crise, Omois savait faire la fête. Omois voulait montrer que, malgré sa déperdition flagrante, le continent était toujours supérieur. Ou alors peut-être avait-il tout faux sur la ligne... Car, pour l'occasion, la planète entière s'était finalement plus ou mois soudée -car, avec les temps qui couraient, cela semblait difficile et les poignées de main sonnaient comme des coups silencieux. Alors peut-être l'impératrice, comme le reste des dirigeants d'AutreMonde, se voulaient-ils... Rassurants ? Il y avait quelque chose d'illogique là-dedans. Et si il se trompait simplement de destinataire ? Le message implicite pouvait être adressé aux sangraves alors supposés comprendre que le peuple ne frémirait plus. Au fond, il n'était plus si certain d'y discerner un quelconque plan. Encore une raison de détester cette fête.

Cylas était cependant venu. Il était trop curieux, trop désireux de voir ce à quoi ressemblait la nouvelle invention de l'impératrice d'Omois. Et il avait également prévu de -peut-être- s'amuser. Car après tout, il était bien supposé se trouver ici pour cette raison ? Avec un regard sur la foule, l'assassin s'imagina un instant comment cela eut pu être si tous ces gens qui ne semblaient pas le voir étaient ici pour observer. C'eut certainement été consternant et d'une tristesse... Pourtant, le lieu était ampli de joie et de rires. On semblait parvenir à se distraire.

Le jeune homme s'approcha de l'immense sapin qui avait été dressé pour l'occasion. Le palace avait heureusement un très haut plafond. Les multiples décorations qui le paraient lui donnaient une certaine allure de luxe qu'on reconnaissait bien à l'empire. Le buffet qui se trouvait plus bas était lui aussi très garni, tant en objets farfelus qu'en diverses mets aux senteurs délicieuses. Cela ne promettait pas une trop mauvaise soirée, si rien ne venait troubler la fête.

C'était trop espérer.

Joyeux Noël, et patita patati gnanana. Piaë n'avait jamais fêté noël de sa vie, et voilà que cette ingénue d'aélys duncan souhaitait l'inviter à une stupide fête avec de stupides invités qu'elle méprisait tout autant qu'ils étaient. Il faudrait qu'elle fasse semblant d'être joyeuse, agréable, gracieuse, alors qu'elle n'avait qu'une seule envie, regarder un replay de sorcelier VS wild en se goinfrant de chips à l'aneth. La vie était injuste. En plus, elle savait pertinemment que malgré cette stupide fanfreluche que l'empire omois lui offrirait en échange de sa fidélité factice au royaumme, elle ne recevrait aucun cadeau qui lui ferait réellement plaisir. Les gens qui avaient comptés pour elle, sa famille et ses amis, pensaient tous qu'elle était morte, et s'amuseraient sans elle. Parfois elle avait envie de prendre une barque pour son île natale, de toquer à la porte du petit cottage en bois et de marmonner, salut, c'est moi comme une adolescente prise en faute. On dit souvent que les regrets c'est pour les faibles. Et bien elle était faible, plus faible qu'elle ne l'avait jamais été. Piaë détestait les célébrations de toutes sortes car elle requéraient une joie qu'elle n'avait pas en réserve. Elle fit voguer son aiguille à travers un océan de tissu. Elle manqua de pleurer lorsqu'elle se piqua le doigt, mais son portemanteau ukrainien ne fit aucune remarque.

Mais par tous les démons des limbes, elle était une personne solitaire et Noël n'était pas fait pour les personnes solitaires. Elle faillit demander à Aglaïa de l'accompagner, la mannequin étant sincèrement intéressante, mais celle-ci avait une famille, contrairement à elle. Elle était donc condamné à se rendre à cette stupide fête. Arrivée au palace, elle faillit vomir devant un tel étalage d'or et de pierre précieuse. Une véritable parodie d'un défilé dolce & gabana, avec le chic en moins. L'empire d'Omois, et son histoire d'amour avec le superficiel. Elle s'ennuyait férocement, et avait franchement envie de se laisser aller à son désespoir ( de plus, quand on la reconnaissait, elle devait sociabiliser pendant cinq minutes au moins, quelle horreur ), lorsqu'elle croisa le regard d'une fille balbutiante. Oh bah slurk alors, une si belle veste ! Son regard se fit fuyant. Vous savez où est l'alcool, au fait ? Le lait de balboune, c'est pas assez fort pour oublier à quel point je hais noël et le bonheur des autres, vous savez.